Les ententes de confidentialité
L’entente de confidentialité et de non-divulgation, communément appelée dans le milieu des affaires « NDA », est un outil essentiel à mettre en place dès le début des discussions et des négociations en vue d’un éventuel partenariat, transfert technologique ou même un achat ou une vente d’entreprise. Pensez aussi aux contrats de sous-traitance, de services, de consultation et aux licences ou autres contrats d’importance stratégique. En effet, à l’ère où les entreprises cherchent à établir de nouvelles alliances stratégiques, à développer de nouveaux produits, à faire fabriquer à l’étranger ou encore à prendre les devants sur la compétition, l’information confidentielle stratégique de celles-ci est au coeur des opérations et vaut donc son pesant d’or. À défaut, on y risque sa chemise et on met aussi en péril la viabilité, la compétitivité et la valeur économique de l’entreprise.
Le présent article traitera seulement des ententes de confidentialité avec des tiers externes à l’entreprise. Il est toutefois important de mentionner d’emblée que des clauses contractuelles et politiques devraient aussi être mises en place avec les salariés, permettant à l’entreprise de bien circonscrire les obligations des employés et de les informer de celles-ci, dès leur engagement.
Le « NDA », soit « non-disclosure agreement », permettra à l’entreprise qui divulgue ses informations stratégiques à un tiers d’avoir des recours en cas de divulgation ou d’utilisation non autorisée. En l’absence d’une telle entente, le tiers n’a généralement aucune obligation en ce sens, outre la possibilité qu’une plainte soit portée contre lui devant les tribunaux canadiens en vertu du Code criminel. Par exemple, en présence d’un cas qui rencontrerait la définition de secret industriel (« trade secret ») et les conditions qui y sont prévues. Jusqu’à maintenant, cet article a fait l’objet de peu de jurisprudence. Plusieurs juridictions, tel que les États-Unis et l’Union européenne, ont adopté des lois et règlements qui peuvent différer entre elles, en vue de protéger le secret industriel. Il est donc difficile de savoir si votre entreprise pourra bénéficier des lois d’un autre pays.
Rien ne vaut un contrat bien rédigé, signé par les parties, prévoyant les définitions, obligations, interdictions et les recours clairs en cas de contravention.
Un NDA est encore plus délicat à négocier dans un contexte où la partie avec laquelle vous désirez négocier est un de vos concurrents directs. Bien que les informations soient confidentielles et ne puissent pas être utilisées, ce que le concurrent aura appris ne pourra être effacé des cerveaux de ses dirigeants!
Avant de négocier ce type d’entente, plusieurs entreprises préféreront, au départ, échanger avec la tierce partie afin d’évaluer le potentiel de la relation. Il s’agit de « courtiser » un peu et de s’assurer qu’il y ait des atomes crochus, des attentes et des façons de voir compatibles. À cette étape, il faut s’assurer de parler de manière très superficielle et ne révéler aucune information sensible.
À la suite des premières discussions, le NDA mis en place doit indiquer clairement qu'il a un effet rétroactif à la date des tout premiers échanges entre les parties, dans l'éventualité où une des parties divulguerait des informations sensibles.
Il est aussi important d’y aller petit à petit, au fur et à mesure des négociations. Si celles-ci achoppent, tout n’aura pas été divulgué.
Les modèles que vous retrouverez sur Internet, ou générés par l’IA, peuvent certainement vous servir d’exemples pour votre réflexion, mais il y a beaucoup de pièges à éviter. Compte tenu de l’importance d’une entente comme le NDA, il faut bien l’adapter au contexte de chaque situation. Des avocats spécialisés en commerce international feront alors toute la différence.
Parmi les points importants, mentionnons :
- Le plus grand piège des NDA est la présence d’une clause prévoyant une durée restreinte de la période de confidentialité, parfois limitée à 1, 2 ou 5 ans. De toute façon, votre liste de prix ne sera sans doute plus à jour après 5 ans. Cependant, imaginez que votre procédé de fabrication soit soudainement rendu public, ou pire, utilisé par l’autre partie?
- Les NDA peuvent être unilatéraux ou bilatéraux. Un accord bilatéral vous créera cependant des obligations. Ceci peut être plus problématique dans un contexte où vous tentez, par exemple, de trouver le bon fournisseur, consultant, distributeur ou agent, ne voulant pas vous bloquer des opportunités si votre choix ne se porte pas sur le candidat initial.
- Qui s’engage à la confidentialité? La définition de ce qui est une information confidentielle pourrait ne viser que les informations de l’autre partie et non les vôtres. Une entreprise cliente a récemment réalisé, qu’alors qu’elle se croyait protégée face à toutes ses propres informations stratégiques, que seules les informations de l’autre partie s’avéraient être confidentielles.
- Il faut que le contexte précis dans lequel les informations sont révélées soit clairement identifié. Il est la seule raison pour laquelle les informations seront divulguées, mais surtout utilisées. Mentionner simplement un contexte d’une « éventuelle entente commerciale » ne veut rien dire.
- Les personnes ayant accès aux informations confidentielles doivent aussi être précisées (ex : les dirigeants de la compagnie, les avocats, comptables, etc.) et les accès restreints aux seules personnes ayant « besoin de connaitre » ces informations pour les fins prévues à l’entente.
- Attention de limiter l’accès à l’information seulement aux sociétés affiliées impliquées au projet et obtenir leurs signatures respectives pour les lier directement. Des sociétés affiliées demeurent des entités juridiquement distinctes. Il faut donc aussi prévoir ce qu’il advient d’une contravention par une seule de ces sociétés.
- La définition de ce qui constitue, en soi, de l’information confidentielle doit également être adaptée et bien rédigée. Un NDA récemment analysé ne prévoyait la confidentialité que des informations techniques spécifiquement en lien avec un seul produit. Adieu confidentialité des informations commerciales, financières, etc., dans un tel cas!
- Il faut dorénavant aussi prévoir la confidentialité des renseignements personnels, en raison des lois draconiennes en cette matière, applicables dans nombre de juridictions et ayant aussi une portée extraterritoriale.
- Si l’une des parties n’est pas québécoise, il est recommandé de déterminer quel système de droit (pays ou province/état, selon le cas) s’appliquera pour interpréter ou exécuter le contrat (ex : lois applicables en Ontario, lois de la France, etc.). De plus, il serait important de déterminer quel sera le tribunal ou organisme d’arbitrage qui aura juridiction exclusive pour entendre le litige (ex : tribunaux du district de Montréal, arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale en utilisant la clause d’arbitrage international standardisée de cet organisme, etc.). Sinon, en cas de litige, quel droit s’appliquera et quel tribunal décidera? C’est alors ce silence de l’entente qui devient en soi aussi source de conflit potentiel au moment même où il faut justement agir en vertu de l’entente non respectée.
- Trop d’ententes de confidentialité exigent le rapatriement et la destruction des informations par la partie qui les aura reçues, sur demande ou si l’entente prend fin. Comment vous défendrez-vous en cas de litige sans une copie d’archives? Que faire de vos obligations quant à la traçabilité des produits? Que faire face à toutes vos méthodes d’archivage électronique, dont sur les copies de sauvegarde?
- Également, si les parties en viennent à un accord final suite à leurs négociations, il est essentiel de faire état de l’existence du NDA et du maintien des obligations qui y étaient prévues, quitte à adapter. Trop de contrats oublient de référer au NDA et ainsi de s’assurer que toutes les informations confidentielles antérieurement divulguées dans le cadre du processus de négociations demeurent protégées.
Les ententes de confidentialité sont trop souvent négligées, voire carrément escamotées ou copiées de l’Internet. Elles représentent cependant une barrière importante de protection pour votre entreprise. Elles sont aussi une première mesure de l’adversaire, ou partenaire potentiel, dans sa capacité à faire des concessions et à vous respecter. Pourtant, elles ne représentent généralement que peu de temps de travail pour un avocat chevronné. Protégez donc ce qui fait de votre entreprise un succès et faites préparer, ou au moins relire, ces ententes stratégiques.
Notre cabinet, en collaboration avec nos cabinets partenaires à l’international présents dans plus de 60 pays, est à même de vous conseiller et de vous accompagner dans vos démarches d’expansion à l’international et en matière de propriété intellectuelle.
© 2023, Me Micheline Dessureault
Avocate et agent de marques de commerce
1-855-633-6326
micheline.dessureault@groupetcj.ca